Τρίτη 8 Ιουνίου 2021

Anastassios Koutsoukos: Hommage à la mémoire du Professeur Gérard Vergnaud


                         Anastassios Koutsoukos et Sofia Papadatou

Hommage à la mémoire du  Professeur Gérard  Vergnaud

«Nous avons éprouvé une perte immense et ressentons une peine tout aussi immense. Ce qu'a fait Gérard Vergnaud, scientifiquement et humainement, est inestimable».  George Vigarello

 De Paton et Aristote à Vergnaud

De la théorie des idées à “La théorie des champs conceptuels”

 Les sources  de l’humanisme et la théorie des champs conceptuels”.

 Résumé.

Les premiers penseurs grecs se sont trouvés opposés à la pensée mythique et religieuse, dans leur effort de donner une explication rationnelle à une série de questions concernant la connaissance, l'esprit, la vérité, la raison, la civilisation, la re­ligion, la morale, la vie politique et les problèmes cosmologiques et astronomiques. Dans les temps modernes, la pensée scientifique a réussi à dépas­ser le scolasticisme et interpréter d'une façon juste les textes grecs anciens. Ainsi, même aux temps modernes, la contribution d'Aristote au développement scientifique est très importante. L’originalité de la théorie de Vergnaud tient à sa tentative de relier théories de l'acquisition et didactique. En ce qui concerne les théories de l'acquisition, la théorie de Vergnaud se situe dans le cadre des paradigmes Piagétiens et Vygotskiens. La théorie de Vergnaud et la définition du schème, nous permette d’ajouter Vergnaud au Panthéon des grandes philosophes, parmi le Platon et Aristote.

 Mots clés. Les Présocratiques, Les sophistes, Platon Aristote,  Les Stoïciens. Les sceptiques, la Renaissance, Vergnaud

 Les Présocratiques. Pendant le 6ème siècle av. J.-C. on constate un changement de la vie sociale en Grèce et, plus particulièrement, sur les côtes d'Ionie; on assiste à un déclin de la religion, de la tradition, de la royauté et de l'origine aristocratique ; la société agricole classique des tyrans cède la place à la société démocratique ouverte. Dans un tel climat de pensée libre, les premiers penseurs grecs se sont trouvés opposés à la pensée mythique et religieuse, dans leur effort de donner une explication rationnelle à une série de questions concernant la connaissance, l'esprit, la vérité, la raison, la civilisation, la re­ligion, la morale, la vie politique et les problèmes cosmologiques et astronomiques.

Les Sophistes. Les sophistes ont essayé de répandre les connaissances scientifiques de leur époque à des couches populaires plus larges. Ils étaient des maîtres ambulants qui allaient d'une ville à l'autre en enseignant, pour aboutir à Athènes.  Ils essayaient de prendre en leurs mains l'instruction des jeunes gens mais donnaient aussi des conférences à contenu simplifié  pour les plus âgés. Les cours qu’ils donnaient étaient, bien entendu, payants, parce qu'ils n'avaient pas d'autres moyens de vivre. C'est pourquoi leur adversaire idéolo­gique, Platon, les appelait commerçants de la connaissance et charla­tans, en considérant qu'ils possédaient certaines connaissances super­ficielles mais non la vérité.

 Ce n'est pas seulement les points de vue d’Aristote et de Platon qui ont inspiré la pensée ultérieure, mais aussi ceux des présocratiques, des sophistes, des Epicuriens et des autres philosophes de l'antiquité grecque

 Platon a vécu à une époque où la pensée philosophique avait déjà fait des pas considérables. Après avoir connu les idées philoso­phiques antérieures et contemporaines à  lui, Platon a formé son propre système philosophique. Les points de vue des philosophes et des pen­seurs qui ont vécu avant Platon ou en même temps que lui, peuvent être distingués entre a) ceux des philosophes Présocratiques, et b) ceux des Sophistes.

On pourrait dire, que Platon est un disciple du dualisme déjà introduit par les Pythagoriciens; il est un idéaliste qui cherche des explications mythiques là où il ne peut  pas  donner des explications raisonnables.

Aristote, au contraire, penche davantage vers les philosophes io­niens de la nature et, jusqu'à un certain point, vers les sophistes. Il est un esprit théorique et pratique en même temps. Aristote n'accepte pas le dualisme de Platon concernant la séparation de l'âme et du corps. On trouve quand même un "reste péri" de la théorie platonicienne dans la conception d'Aristote, qui concerne l'immortalité de l'intellect, partie supérieure de l'âme. Cet intellect nous rappelle l'intellect (noûs) d'Anaxagore (malgré le fait qu'Aristote accuse Anaxagore de ne pas utiliser l'intellect pour donner une explication téléologique à la nature). Aristote, pourtant, n'arrive pas à formuler des thèses pure­ment matérialistes comme Démocrite et Epicure qui acceptaient que l'âme suit le corps dans sa disparition.

La morale, la politique et l'éducation conçues par Platon con­cernent toujours le monde intelligible; en revanche, les points de vue d'Aristote sur la morale, la politique et l'éducation concernent le monde sensible. Platon reconnaît comme sciences les mathématiques et l'astronomie parce qu'elles sont liées au monde intelligible; il ac­corde, en revanche, une importance secondaire aux sciences naturelles parce qu'elles sont rattachées au monde sensible. Aristote, au con­traire, sans mépriser les mathématiques et l'astronomie, semble s'in­téresser davantage aux sciences naturelles; il aime observer les phé­nomènes de la nature et les décrit, avec une perspicacité particulière, dans ses oeuvres concernant la nature.

 L'influence des idées platoniciennes sur la pensée ultérieure est connue. Les néoplatoniciens (Plotin) ont identifié le créateur dont parle Platon dans son oeuvre "Timée" au  Créateur Divin; ainsi, le platonisme a été accepté par l'Eglise. Saint Augustin et la philosophie scolastique ont adapté les conceptions platoniciennes aux besoins du Christianisme. L'influence que l'oeuvre de Platon a exercé sur tous les philosophes idéalistes, a conduit le philosophe anglais A.N. Whitehead à dire que toute la philosophie occidentale n'est que des notes dans l'oeuvre de Platon.

Aristote a, lui aussi, influencé la pensée philosophique ultérieure de sorte que même les néoplatoniciens (comme Plotin) ont essayé de concilier ses points de vue avec les idées de Platon (en ignorant les grandes différences qui les séparent). Ses élèves ont essayé de continuer le développement de son travail scientifique. Mais les sciences particu­lières qu'Aristote gardait liées à la philosophie, ont peu à peu acquis leur  indépendance. Pour les scolastiques du Moyen Age, Aristote était le début et la fin de la connaissance. Létude stérile  des oeuvres dAristote par les scolastiques les a conduits à croire qu'il n y a pas d'autre connaissance en dehors de celle que ces oeuvres révèlent. Ainsi, Aristote qui avait jeté les bases de la science, s'est transfor­mé en l’obstacle principal de la recherche scientifique. Il faut pourtant souligner que ce n'était pas Aristote le responsable de l'obscu­rantisme du Moyen Age mais les scolastiques eux-mêmes : comme Thomas d'Aquin, ils utilisaient et interprétaient les oeuvres d'Aristote et des autres auteurs grecs de l'antiquité et empêchaient  le développement de la recherche scientifique.

Dans les temps modernes, la pensée scientifique a réussi à dépas­ser le scolasticisme et interpréter d'une façon juste les textes grecs anciens. Ainsi, même aux temps modernes, la contribution d'Aristote au développement scientifique est très importante.

Ce n'est pas seulement les points de vue d’Aristote et de Platon qui ont inspiré la pensée ultérieure, mais aussi ceux des présocratiques, des sophistes, des Epicuriens et des autres philosophes de l'antiquité grecque.

Les présocratiques et, plus particulièrement, les atomistes, ont donné une explication matérialiste du monde; leurs points de vue, ainsi que ceux des Epicuriens, ont jeté les bases non seulement de la pensée matérialiste du 19ème siècle[1], mais aussi du développement de la science contemporaine (les théories atomistes modernes plongent leurs racines dans les théories des premiers atomistes).

 Les sophistes, qui étaient les principaux adversaires de Platon, ont contesté, par leurs idées, innovatrices pour cette époque-là, les croyances traditionnelles portant sur l'acquisition de la connaissance et l'existence des dieux. En acceptant que "la mesure de toutes les choses ce soit l'homme", le sophiste Protagoras a contesté les vérités absolues et éternelles et a mis  en avant le principe de relativité des lois.

Les sophistes ont contribué à l'expansion et au développe­ment des connaissances scientifiques à des couches populaires plus larges. Pourtant, ils ont été persécutés et leur mouvement a été sali. C'est seulement dans les temps modernes que ce mouvement a été rétabli historiquement. De nos jours, on considère la sophistique comme le premier mouvement des Lumières dans l'histoire de la civilisation occidentale.

Les Stoïciens.

L'Ecole philosophique du Stoïcisme a été fondée à Athènes en 300 av.J.Ch., par Zénon de Kitio de Chypre. Les philosophes stoïciens s'op­posaient aux points de vue d'Epicure. Ils soutiennent, eux aussi, une conception matérialiste du monde mais y ajoutent que le monde matéria­liste est régi  par une puissance (la Raison) qui lui donne ses caractéristiques. Mais la Raison (ou Dieu) des stoïciens n'a rien à voir avec le Dieu architecte de Platon (qui a construit le monde sensible selon le modèle du monde des Idées). Le Dieu conçu par les Stoïciens  est un Dieu immanent, qui est présent, à chaque instant, dans la plus infime partie du monde dont il est la substance; en revanche, le Dieu conçu par Platon est un Dieu transcendant qui est indépendant du monde.

Selon les Stoïciens, tous les animaux sont doués d'une âme indi­viduelle; la représentation formée dans cette âme provoque une incli­nation (ormé) engendrant un mouvement spontané. La particularité de l'homme, par rapport aux autres animaux, consiste en sa capacité de don­ner son assentiment à la représentation qui se forme dans son âme et cette possibilité constitue la caractéristique de l'âme raisonnable (qui est, selon les Stoïciens, propre à l'homme et à lui seul).      

Selon Aétius[2], les  Stoïciens  ont soutenu la thèse “ au commencement l’âme  est une table rase (tabula rasa) :

“ Comment se font la sensation, la notion et le dis­cours ou raison interne.

Les Stoïques disent que quand l'homme est engen­dré, il a la principale partie de l'âme (l’hégémonique)  ni plus ni moins qu'un papier prêt à écrire[3], dedans lequel il écrit chacune de ses notions ; et la première sorte d'écriture est par les sensations car ceux qui ont senti quelque chose, comme par exemple qui ont vu une blancheur, après qu'elle s'en est allée: ils en retiennent la mémoire ; et après qu'ils ont assemblé plusieurs mémoires semblables, et de même espèce, alors ils disent qu'ils ont l’expérience : car l’expérience n'est autre chose , qu'un amas et une multitude de plusieurs sembla­bles représentations déjà. Mais quant aux notions, les unes sont naturelles qui se font en la manière que nous avons dite auparavant, sans artifice; les autres se font par étude et par doctrine, et celles‑ci proprement sont celles qui s'appellent notions, les autres se nommant anticipations. Et la raison de laquelle, et pour laquelle nous sommes nommés raisonnables, achève son développement grâce à ces anticipations là, en la première septaine d'ans , et est l'intelligence de la conception de l'entendement de l'animal raisonnable : car l'image, quand elle vient à résider en l'âme raisonnable, alors s'appelle concept, ayant pris sa dénomination de l'intellect ”[4].

On devrait aussi souligner la contribution des Stoïciens à la linguistique contemporaine. Comme l'écrit Sextus Empiricus[5] les Stoïciens ont prétendu que trois choses sont liées: ce qui est signifié, ce qui signifie, et l'objet. Ce qui signifie, c'est la parole, par exemple le mot DION; ce qui est signi­fié c'est ce qu'exprime le mot, la chose que nous comprenons et que nous pensons, mais qu'un étranger ne comprendrait pas, bien qu'il soit capable d'entendre le mot. Enfin nous trouvons l'objet extérieur: Dion en personne. Deux de ces choses sont des corps: la parole et l'ob­jet, la troisième est incorporelle, c'est ce qui peut être vrai ou faux. Cette distinction des stoïciens a été reprise par Saint Augustin qui a fait la distinction du signe (signun) en signatun (signifié) et en signans (signifiant). A partir de ces termes ont plus tard été formés les termes de signifié (signatum) et de signifiant (signans) de F.Saussure.

Les sceptiques. Les représentants les plus importants du scepticisme sont: Pyrrhon, Timon de Phlionte, Arcésilas (315-240 av.J.-C.) et Carnéade.

 Les sceptiques ont soutenu la position qu'on ne peut avoir de connaissance sûre de rien, c'est pourquoi on doit, selon eux, douter de tout. Arcésilas s'est tourné contre la certitude des philosophes dogmatistes et, notamment, de ses contemporains stoïciens. Il a oppo­sé la possibilité à la certitude. Carnéade a formulé l'opinion que tout est incompréhensible; ainsi, la dialectique qu'il exerçait lui permettait de combattre toute théorie. Il pouvait même s'opposer à sa propre théorie s'il en formulait une, par erreur (il a, une fois, prétendu que la justice est une catégorie morale absolue mais il a lui-même réfuté cette thèse le lendemain, en disant que la justice est une notion relative).

Sextus Empiricus[6] écrit : “La matière enseignée relève des représentations (öáéíüìåíá) ou des choses obscures[7]. Or si elle est une représentation, elle n'a pas besoin d'être enseignée. Car les représentations sont à tous également perceptibles (öáßíåôáé). Si elle est chose obscure, alors, étant donné que les choses obscures sont insaisissables en raison de la discordance irréductible à leur sujet, ainsi que nous l'avons plusieurs fois indiqué, elle ne devra pas être enseignée. Comment ce que l'on ne peut appréhender pourrait‑il être enseigné ou appris ? Donc, si nulle représentation et si nulle chose obscure ne sont enseignées, rien n'est enseigné non plus ”. (Sextus Empiricus, Hypotyposes, 111, 254).

Selon Sextus Empiricus il n’y a ni maître ni élève :  “Ou bien l'homme de l'art enseigne à l'homme de l'art, ou l'ignorant à l'ignorant, ou l'ignorant à l'homme de l'art, ou l'homme de l'art à l'ignorant. Or, l'homme de l'art n'enseigne pas à l'homme de l'art, car ni l'un ni l'autre, en raison de l'art qu'ils possèdent, n'ont besoin d'apprendre. L'ignorant n'enseigne pas non plus à l'ignorant, de même qu'un aveugle ne peut guider un aveugle. L'ignorant n'enseigne pas non plus à l'homme de l'art, ce serait risible. Reste donc à dire que l'homme de l'art enseigne à l'ignorant .

[260] Mais cela même est impossible. Car nous disons qu'il est impossible que l'homme de l'art existe, puisque nous ne voyons personne naître spontanément homme de l'art, ni d'ignorant devenir homme de l'art. Car ou bien un seul rudiment et une seule représentation compréhensive peuvent faire de l'ignorant un homme de l'art, ou bien il n'en est rien. [261] Or, si une seule représentation compréhensive fait de l'ignorant un homme de l'art, il faudra avouer premièrement que l'art n'est pas un système de représentations compréhensives, car il faudrait que l'ignorant complet méritât le titre d'homme de l'art grâce à la compréhension d'un premier rudiment. Ensuite, dire que celui qui, ayant saisi quelques rudiments d'un art et qui, ayant besoin d'en acquérir encore un, est pour cela un ignorant, dire que celui‑là donc deviendrait, pour peu qu'il acquît cet unique rudiment, d'ignorant homme de l'art par la seule vertu d'une compréhension unique, ce serait divaguer. [262] En effet on ne pourrait montrer que quelqu'un soit, d'ignorant devenu par parties  homme de l'art, par l'appréhension d'un seul rudiment, car nul ne sait le nombre des rudiments de chaque art au point d'être en mesure, après avoir dénombré les rudiments connus, de dire combien il en reste à acquérir pour que leur nombre soit complet. Donc la connaissance d'un seul rudiment ne fait pas de l'ignorant un homme de l'art. [263]. Or, si cela est vrai, alors, étant donné qu'on ne saurait appréhender tous ensemble les rudiments d'un art, mais un par un au contraire, celui qui est dit recevoir un par un les rudiments d'un art ‑ admettons‑en l'hypothèse ‑ ne saurait devenir un homme de l'art; car nous avons montré que la connaissance d'un seul rudiment ne peut faire de l'ignorant un homme de l'art. Donc d'ignorant on ne devient pas non plus homme de l'art; de telle sorte que, de ce qui précède, l'homme de l'art est représenté comme non existant. D'où il suit que le maître aussi n'existe pas.

[264] Mais celui que l'on dit être l'élève, ne peut, en tant qu'ignorant, apprendre et comprendre les rudiments de l’art, dans lequel il est ignorant. Car de même que l’aveugle-né, ne peut, en tant qu'aveugle, recevoir aucune perception colorée, et de même que le sourd de naissance ne peut aussi percevoir aucun son, ainsi l'ignorant ne peut non plus appréhender les rudiments d'un art dans lequel il est ignorant. En effet, il faudrait que le même homme fût à la fois homme de l'art et ignorant: ignorant par hypothèse, homme de l'art en tant qu'apte à percevoir les rudiments de l'art. Aussi l’homme de l'art n'enseigne‑t‑il pas à l'ignorant. Or, si l'homme de l'art n'enseigne pas à l'homme de l'art, ni l'ignorant à l'ignorant, ni l'homme de l'art à l'ignorant, et s'il n'y a pas d'autre possibilité, il n'existe pas non plus ni maître ni élève ”. (Sextus Empiricus : Hypotyposes, 111, 259‑265). Sexrus Empiricus, donc, croit que la pédagogie n’existe pas.

 

En réalité, le scepticisme a combattu le dogmatisme, c'est-à-dire la tendance des hommes d'accepter indiscu­tablement des idées et des théories. Les sceptiques doutent donc de tout.

 En bref, la pensée grecque de l'antiquité ne s'est pas orientée vers une seule direction mais a développé des thèses et des idées mul­tiples. C'est ce que souligne nettement Friedrich Engels, en écrivant que "nous sommes obligés, en philosophie comme dans tant d'autres do­maines, de revenir sans cesse aux productions de ce petit peuple, au­quel sa capacité et son activité universelles ont assuré dans l'his­toire de l'évolution de l'humanité une place telle qu'aucun autre peuple ne pourra jamais y prétendre... dans les formes multiples de la philosophie grecque se trouvent déjà en germe, en train de naître, presque toutes les conceptions postérieures"[8].  F. Engels[9] continue “ L'antiquité se termine avec l'ascension de Constantinople et la chute de Rome; la fin du moyen âge est indissolublement liée à la chute de Constantinople. Les temps modernes commencent avec le retour aux Grecs. ‑Négation de la négation! ”.

En ce qui concerne le rôle que la pensée grecque de l'antiquité a joué dans la renaissance de la civilisation occidentale moderne, F. Engels dans la Dialectique de la nature écrit[10]: "Dans les ma­nuscrits sauvés de la chute de Byzance, dans les statues antiques re­tirées des ruines de Rome, un monde nouveau se révélait à l'Occident étonné: l'Antiquité grecque; ses formes resplendissantes dissipaient les fantômes du Moyen Age[11]".

“La théorie des champs conceptuels”

L’originalité de la théorie de Vergnaud tient à sa tentative de relier théories de l'acquisition et didactique. En ce qui concerne les théories de l'acquisition, la théorie de Vergnaud se situe dans le cadre des paradigmes Piagétiens et Vygotskiens.

La psychologie peut être définie comme la science qui étudie les faits psychiques, c'est-à-dire ceux qui concernent l'esprit, la pensée, la vie mentale. Elle regroupe diverses branches telles que la psychologie clinique, la psychologie expérimentale, la psychologie de l'enfant, et la psychologie de l'apprentissage (G. Vergnaud).

Les systèmes pédagogiques modernes, tels qu’ils sont présentés par les pédagogues  modernes (J. Dewey, G. Kerschensteiner, Ed. Claparède, M. Montessori etc.) s’orientent vers l’évolution de la pensée, de la construction de la langue dans l’environnement de la pédagogie théâtrale. Les travaux des psychologues L. S. Vygotsky, J. Piaget, J. Bruner, C. Rogers, H. Gardner et les restitutions modernes par Philippe Brunet soutiennent la nécessité de  l’introduction de la pédagogie théâtrale, à l’éducation (G. Vergnaud, Ph. Brunet).

 Lev S. Vygotski[12] estime que «les instruments de développement psychique que sont le langage, notamment écrit (textes, graphiques, cartes, schémas, etc.), les théories scientifiques, les procédés mnémoniques, etc., ne sont accessibles à l’enfant « que dans le cadre de la communication avec l’adulte et la collaboration avec les camarades ». Cet apprentissage permet à l’enfant de maîtriser ces instruments culturels et historiques, et comme ces instruments augmentent ses possibilités d’action en restructurant son fonctionnement intellectuel, ils lui ouvrent de nouveaux cycles de développement. De fait, selon Vygotski, chaque fonction supérieure apparaît deux fois au cours du développement. D’abord dans une activité collective soutenue par un adulte et par le groupe. Et ensuite, lors d’une activité individuelle. Elles deviennent alors une propriété intériorisée de la pensée du sujet. Il appuie son propos sur l’étude du langage»…

Selon Vergnaud, “la théorie des champs conceptuels” est une théorie cognitiviste qui vise à fournir un cadre cohérent, ainsi que quelques principes de base pour l’étude du développement et de l’apprentissage des compétences complexes, notamment celles qui  relèvent des sciences et des techniques. Du fait que cette théorie offre un cadre  pour l’apprentissage, elle intéresse la didactique.

La principale finalité de la théorie de Vergnaud est de fournir  un cadre qui permet de comprendre les filiations et les ruptures entre connaissances chez les enfants et les adolescents (on entend par “connaissances” aussi bien le savoir que le savoir exprimé). Les idées de filiation et de rupture concernent également les apprentissages  de l’adulte. Cependant ces derniers s’effectuent sous des contraintes qui sont davantage de l’ordre des habitudes et des biais de pensée acquis que de l’ordre du développement de l’appareil psychique. Chez l’enfant et l’adolescent les effets de l’apprentissage et du développement cognitif  interviennent toujours conjointement.

Vergnaud écrit que pour comprendre la pensée, il faut l'analyser comme une activité qui se déroule et qui se développe dans le temps. Selon lui (1998), pour comprendre la nature de la pensée et comprendre ses composantes les plus essentielles, on doit considérer tous les registres de l'activité humaine - non seulement les registres scientifiques, techniques, poétiques et artistiques - mais aussi les différents registres  de l'activité ordinaire: gestes, dialogues, interactions sociales et affectives. Le geste, dit Vergnaud (1998),  « est un prototype fondamental de l'activité humaine. C'est donc par lui qu'il est le plus naturel de commencer. Le geste contient un grand nombre d'opérations de pensée: en termes de représentation des objets matériels, de leurs propriétés, de leurs relations et de leurs transformations, tout comme des relations entre les propriétés des gestes et les propriétés des objets ». Vergnaud (1998), souligne  « C'est sur ces représentations que s'appuient l'organisation temporelle et l’organisation spatiale du geste, ainsi que les multiples décisions qui jalonnent le décours temporel de l'activité gestuelle ».

Pour Vergnaud et  Récopé (2000), Revault d’Allonnes est celui qui a repris de Kant et developpé la notion des “ schèmes mentaux ” dans la psychologie française. Pour Revault d’Allonnes (1920) qui fait référence aux conceptions d’Aristote et d’autres philosophes grecs, penser c’est “ schématiser ” ou encore “ simplifier ”. Bien que les analyses présentées dans la théorie des champs conceptuels, dit Vergnaud (1998), soient relativement différentes de celles de Piaget, et qu’elles témoignent d'un plus grand souci de définition et de généralité, les termes de “ schème ” et d' “ invariant opératoire ”, empruntés à Piaget,  montrent que le premier inspirateur de cette théorie est Piaget.

  La définition du schème selon Vergnaud (2000):

Définition : le schème est une organisation invariante de l'activité pour une classe de situations donnée.

La première définition, dit Vergnaud, comporte trois idées essentielles:

a) Le schème s'adresse à une classe de situations. On peut alors lui associer des quantificateurs universels qui permettent d'en définir la portée et les limites. Le schème est donc un universel, comme le concept.

b) C'est l'organisation qui est invariante, et non pas la conduite observable; les schèmes ne sont pas des stéréotypes. S’il arrive que certains schèmes engendrent des conduites plus ou moins stéréotypées, ce n'est pas le cas de la majorité des schèmes, lesquels engendrent des conduites différentes en fonction des valeurs des variables de situation.

c) Le schème n'organise pas uniquement la conduite observable, mais il organise aussi l'activité de pensée sous-jacente. Les restitutions modernes par Philippe Brunet et l’harmonie qui est analysée depuis l’antiquité, est le but de l’éducation moderne.

 Le schème, selon Vergnaud (1998), est nécessairement formé de quatre composantes:

a) un but, des sous-buts et des anticipations : Cette première composante représente dans le schème ce qu'on appelle parfois l’intention, le désir, le besoin, la motivation. Mais aucune de ces idées n'est habituellement intégrée dans l'organisation même du schème. Si la représentation est composée de formes d'organisation de l'activité - et pas seulement d'images, de mots et de concepts - il est essentiel d'intégrer but, intention et désir dans le schème lui même.

b) des règles d'action, de prise d’information et de contrôle : Ces règles constituent la partie générative du schème, celle qui est le plus immédiatement responsable du décours temporel de la conduite et de l'activité. La conduite n'est pas uniquement formée d'actions, mais aussi des prises d'information nécessaires à la poursuite de l'activité, et des contrôles. Les règles n'engendrent pas que l'action, mais toute l'activité.

c) des invariants opératoires; concepts-en acte et théorèmes en acte: Les invariants opératoires forment la partie la plus directement épistémique du schème, celle qui a pour fonction d'identifier et de reconnaître les objets, leurs propriétés, leurs relations, et les transformations que ces objets subissent. La fonction principale des invariants opératoires est de prélever et de sélectionner l’information pertinente et d’en inférer des conséquences utiles pour l'action, le contrôle et la prise d'information subséquente. C’est une fonction de conceptualisation et d’inférence.

Selon Vergnaud (1998), un champ conceptuel est à la fois un ensemble de situations et un ensemble de concepts. L'ensemble des situations appelle une variété de concepts, de schèmes et de représentations symboliques en étroite connexion. L'ensemble des concepts contribue à la maîtrise de ces situations.

L'étude de la formation et du fonctionnement des compétences complexes dans l'éducation et le travail demande une plus grande attention en ce qui concerne le contenu des dialogues, en raison notamment des différences de compétence et de point de vue entre interlocuteurs. Elle appelle un minimum d'attention aux formes d'énonciation utilisées. Elle renvoie ainsi aux travaux des linguistes, notamment de ceux qui s'intéressent à l'énonciation et aux actes de langage. Les schèmes énonciatifs, comme les autres schèmes, sont des formes d'organisation de l'activité en situation; Elles sont composées, comme eux, de buts, de règles d'action, de prise d'information et de contrôle, d'invariants opératoires et d'inférences.

 Conclusion. La théorie de Vergnaud et la définition du schème, nous permette d’ajouter Vergnaud au Panthéon des grandes philosophes, parmi le Platon et Aristote.

Ο Gérard Vergnaud (1933 - 2021)  Γάλλος ψυχολόγος,  μαθηματικός, φιλόσοφος, εκπαιδευτικός κα παιδαγωγός , απέκτησε το διδακτορικό του από το Διεθνές Κέντρο Γενετικής Επιστημολογίας στη Γενεύη υπό την επίβλεψη του Jean Piaget. Ο Vergnaud ήταν  ομότιμος καθηγητής του Εθνικού Κέντρου de la recherche scientifique στο Παρίσι, όπου είναι ερευνητής στα μαθηματικά κι  στη Σορβόννη. Μεταξύ των σημαντικότερων εργασιών του ήταν η ανάπτυξη της Θεωρίας εννοιολογικών πεδίων, η οποία περιγράφει πώς τα παιδιά αναπτύσσουν μια κατανόηση των μαθηματικών  και άλλων προβλημάτων μάθησης και διδακτικής. 

Ο Gérard Vergnaud  ήταν επιβλέπων καθηγητής του Κουτσούκου Αναστασίου στη Σορβόννη στη λαμπρή  διατριβή του «Διδακτική των Αρχαίων Ελληνικών- Ψυχολογική Προσέγγιση».

Ο Gérard Vergnaud (1933-2021), Γάλλος ψυχολόγος, μαθηματικός, φιλόσοφος, εκπαιδευτικός κα παιδαγωγός, απέκτησε το διδακτορικό του από το Διεθνές Κέντρο Γενετικής Επιστημολογίας στη Γενεύη υπό την επίβλεψη του Jean Piaget. Ο Vergnaud ήταν ομότιμος καθηγητής του Εθνικού Κέντρου de la recherche scientifique στο Παρίσι, όπου υπήρξε ερευνητής στα μαθηματικά, και στη Σορβόννη. Μεταξύ των σημαντικότερων εργασιών του ήταν η ανάπτυξη της Θεωρίας εννοιολογικών πεδίων, η οποία περιγράφει πώς τα παιδιά αναπτύσσουν μια κατανόηση των μαθηματικών και άλλων προβλημάτων μάθησης και διδακτικής.
>
> Ο Gérard Vergnaud ήταν επιβλέπων καθηγητής του Αναστασίου Π. Κουτσούκου στη Σορβόννη στη λαμπρή διατριβή του Διδακτικήτων αρχαίων ελληνικών - Ψυχολογική προσέγγιση (γαλλιστί) (υπό έκδοση από τις εκδόσεις Ηρόδοτος, Αθήνα, 2021). Ο λυκειάρχης Δρ Αναστάσιος Π. Κουτσούκος είναι ειδικός στις επιστήμες αγωγής, άξιος συνεχιστής του έργου και σπουδαίος ερμηνευτής της σκέψης του Gérard Vergnaud, με ευρύ συγγραφικό έργο, κείμενα σε παγκόσμια επιστημονικά περιοδικά.

BI BLIOGRAPHIE  

 ARISTOTE (1983) : La Physique, livres 1-VIII, trad. H. Carteron, Paris, Société d'Edition  "Les Belles Lettres",6ème tirage.

ARISTOTE  (1989) : De l'âme, trad. A. Jannone, 3ème tir. ,"Les Belles Lettres".

ARISTOTE  (1967) :  Les Topiques, 1-1V, trad. J. Brunscwicg, Paris Les Belles Lettres".

ARISTOTE (1953) :   Ethique à Nicomaque, trad.J.Tricot, "Les Belles Lettres", Paris.

ARISTOTE (1972) :   La Constitution d'Athènes, trad.G.Mathieu-B.Haussoulier, Paris ,"Les Belles Lettres",8ème tirage.

ARISTOTE (1967) :   La Rhétorique, 1-111, trad. M.Dufour, Paris,"Les Belles Lettres".

ARISTOTE (1989) :   Poétique, trad. J. Hardy, Paris, "Les Belles Lettres,9ème tirage.

ARISTOTE (1986) :   Politique, trad. J.Aubonnet, Paris, "Les Belles Lettres".

ARISTOTE (1965) :   Du Ciel, trad. P. Moraux, Paris, "Les Belles Lettres".

ARISTOTE (1953) :   La Métaphysique,  trad. J. Tricot, Paris, Ed. Vrin.

ARISTOTE (1969) :   Organon: Les Catégories - De l’Interprétation - Analytiques Premiers et Seconds - Topiques - Réfutations Sophistiques, trad. J. Tricot, Paris, Ed. J. Vrin.

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[1] Comme écrit F. Mehring, Karl Marx connaissait le grec ancien et lisait les auteurs grecs anciens dans 1’original; il était "un fervent des Grecs anciens et il aurait chassé du temple ces misérables Philistins qui entendaient empêcher les ouvriers d'apprécier la culture antique" (voir: F. Mehrin : Karl Marx : Histoire de sa vie, trad. J. Mortier, Editions Sociales, Paris, 1983, p. 554.

[2] Aetius : Opinions, IV, XI.

[3] Voir J. Locke : Essais concernant l’entendement humaine, II, I, 2. L’expression moderne de l’empirisme et du nominalisme a pour origine le texte de Aetius.

[4] “C'est pourquoi ces images n'échoient point aux animaux, mais les images qui se présentent aux Dieux et à nous, celles‑là seules sont proprement imaginées, et celles qui se présentent à nous sont imaginées en général, et spécifiquement concepts : comme des tessons et des écus à part considérés en soi sont tessons et écus, mais si vous les baillez pour le louage d'un navire, alors outre ce qu'ils sont deniers, encore sont‑ils naulage”. Aetius : Opinions, IV, xi.

[5] Sextus Empiricus : Envers les Mathématiciens, VIII, 10.

[6] Sextus Empiricus, Hypotyposes, 111, 254 (Si quelque chose peut s’enseigner). Dumont  J.-P. (1993) : Les sceptiques Grecs (Textes choisis et traduits), P.U.F, p. 202.

[7] Ôá /áäçëá : les choses obscures, par opposition à ðñüäçëá, c’est-à-dire pour le sceptique, toutes choses. Primitivement, les /áäçëá, sont les êtres intelligibles dont les représentations permettent l'appréhension. Les sceptiques en font l'objet d'une perpétuelle recherche.

[8] Friedrich Engels ( 1925) : Dialectique de la nature, traduit de l'allemand par E. Bottigelli (1968), Paris, Editions Sociales, p.52.

[9] Friedrich Engels ( 1925)  : Dialectique de la nature, p. 192.

[10]  Friedrich Engels ( 1925) : Dialectique de la nature, p. 30.

[11] (...) “ (...) avec cette époque qui créa les grandes monarchies en Europe, brisa la dictature spirituelle du pape, ressuscita l'antiquité grecque et engendra en même temps le développement artistique le plus élevé des temps modernes, fit éclater les limites de l'ancien Orbis et découvrit à proprement parler la terre pour la première fois”. Friedrich Engels (1925) : Dialectique de la nature, p. 193.

“C'était la plus grande révolution que la terre eût jamais connue.(...) Ce fut l'époque que les Français appellent judicieusement la Renaissance, et l'Europe protestante, d'une façon unilatérale et bornée, la Réforme”. Friedrich Engels ( 1925) : Dialectique de la nature, p.194.

K. Marx écrit : “Dès sa première heure, la métaphysique du XVIIe   siècle, représentée, pour la France, surtout par Descartes, a eu le matérialisme pour antagoniste. Descartes le rencontre personnellement en Gassendi, restaurateur du matérialisme épicurien. Le matérialisme français et anglais est toujours demeuré en rapports étroits avec Démocrite et Epicure”. K Marx : La Sainte Famille, éditions sociales, p. 153.

“La philosophie française des Lumières, au XVIIIe siècle, et surtout le matérialisme français n'ont pas mené seule­ment la lutte contre les institutions politiques existantes, contre la religion et la théologie existantes, mais elles ont tout autant mené une lutte ouverte, une lutte déclarée contre la métaphysique du XVIIe siècle, et contre toute métaphysique, singulièrement celle de Descartes, de Malebranche, de Spinoza et de Leibniz” (K. Marx, op. cit., p. 151).

Voir : P. Gassendi : Syntagma philosophiae Epicuri. [Repris dans Opera omnia. Lyon, 1958, tome III. Voir aussi : B. Rochot (1944) : Les Travaux de Gassendi sur Epicure et l’atomisme. Paris, Vrin.

 [12] Lev S. Vygotski : l’apprentissage par le groupe Michel Grangeat Dans Éduquer et Former (2016), pages 134 -141

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